Usure de compassion, partie 2

La résilience des proches aidants

En 2012, après avoir enfin compris que je souffrais d'usure de compassion depuis 9 ans, j'ai commencé à vouloir partager ce que j'avais appris. Mon but : éviter le plus possible à d'autres la détresse, les douleurs que j'avais éprouvées.

J'ai donc lu tout ce que je pouvais trouver sur le sujet (à l'époque, c'était bien peu), créé ma boîte à outils, monté une formation, et je me suis lancée. J'ai commencé par une formation test auprès de bénévoles dont plusieurs étaient aussi proches aidants. 

Ensuite, j'ai étendu mes activités aux proches aidants, aux intervenants aussi. Car les proches aidants et les intervenants peuvent facilement s'oublier en chemin.

J'ai rencontré toutes sortes de personnes. Plusieurs centaines. En présence, et, pendant la pandémie, en virtuel. 

Ce qui m'a le plus frappé chez les proches aidants c'est cette grande, énorme solitude *. "Je ne parle plus avec mes amis, car je ne sais pas quoi leur dire." " Je ne suis plus intéressante pour personne, je n'ai jamais le temps de sortir." "Je ne sais que parler de la maladie de ma conjointe." Cette solitude m'a tellement frappée que j'ai écrit un blogue à ce sujet : Prenons soin de nos proches aidants !

Parfois aussi certains proches aidants se sentent à la fois complètement responsables de la personne aidée et entièrement submergés : "Personne ne peut le faire aussi bien que moi", "Mon conjoint ne veut personne d'autre que moi à la maison". Mais aussi : "Je n'en peux plus". "Je suis complètement épuisée."

Plusieurs proches aidants souffrent d'un grand sentiment de culpabilité : " Je n'ose pas sortir de peur qu'il arrive quelque chose". " Je ne prends pas de temps pour moi, ou si je le fais, je me sens coupable. Parce que mon conjoint a besoin de moi, et que lui, il ne peut plus faire de choses qu'il aime".

J'ai rencontré des gens qui étaient très forts et que le temps a usés. Des personnes qui se demandaient si elles étaient normales de souhaiter que la souffrance s'arrête. Des gens qui prenaient soin de leur mère qui elle ne s'était jamais occupé d'eux. Des femmes ou des hommes qui se dévouaient corps et âme envers leur conjoint ou conjointe qui ne les reconnaissait même plus.

Les statistiques les plus récentes auxquelles nous avons accès font mention de 1,5 million de proches aidants au Québec, en 2015. On peut imaginer combien il y en a aujourd'hui !

Parmi ces 1,5 million de proches aidants, près du 3/4 parlaient de stress relié à la proche aidance, et presque tous de problèmes de santé.

Dans mon livre Usure de compassion : jusqu'où aller sans se brûler? publié en 2018, j'ai recueilli le témoignage de 18 proches aidants, intervenants et bénévoles en soins palliatifs. Cet exercice fut à la fois très intense et très émouvant !

Ce fut un rare privilège pour moi d’entendre ces belles histoires, de serrer les mains de personnes qui venaient d'assister à une de mes conférences, de sentir que j’avais pu « faire la différence » dans la vie des autres grâce à mon implication dans la prévention de l’usure de compassion.

Combien de gens ai-je touchés ? Je ne les ai pas comptés. Mais pour vous donner une idée, au plus fort de la pandémie, en 2021, j'ai donné 55 conférences en virtuel et une en présence. Un peu plus d'une conférence par semaine.

Prendre soin de soi n'est pas un "réflexe naturel" chez les proches aidants. Il est malheureux qu'ils doivent parfois se rendre jusqu'au bout de leurs forces et de leurs limites pour enfin prendre conscience de l'importance de prendre soin de soi !

Je veux, avec mes conférences auprès des proches aidants, les amener à découvrir leurs propres moyens de protection pour pouvoir les utiliser de façon consciente; qu'ils soient attentifs, vigilants, à l'écoute de leurs symptômes potentiels, qu'ils reconnaissent les "feux jaunes" avant qu'ils deviennent des "feux rouges".

Les proches aidants que je rencontre, je les adore. Je les trouve tellement forts, fiers, engagés, empathiques et compatissants. Je suis contente de pouvoir mettre des sourires sur leur visage, de leur donner des outils pour aller mieux et pouvoir continuer sans se brûler.

Dans mon prochain article, je vous parlerai plus en détails des rencontres avec des intervenants.

 *Heureusement, il existe plusieurs organismes qui accompagnent les proches aidants et leur offrent divers services dont les groupes de soutien qui leur permettent de parler avec d'autres proches aidants qui vivent la même chose qu'eux.

 

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